Lors de la dernière soirée de la Ligue des Champions, Nicolas Bedos aurait partagé une blague sur les réseaux sociaux qui a suscité de nombreuses critiques : « Certains soirs, quand on n’aime pas le football, on comprend mieux ce qu’un Palestinien ressent le week-end à Deauville. »
Par Steve Krief
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En France, Pierre Desproges est souvent inspiré pour expliquer les limites de l’humour. Ce qui est une très belle référence. Mais permettez-moi d’ajouter une autre définition qui simplifiera les débats contemporains. Lenny Bruce, la principale référence et le premier comédien à parler sur la scène du racisme, de la sexualité, de la religion… a expliqué la différence entre l’art et l’obscénité. « L’art, dit-il, est une grande quantité de travail avec un peu de merde dessus et l’obscénité beaucoup de merdes avec un peu de travail dessus ». Lui aussi a été capable de le faire, il suffit de voir son long métrage, Dance Hall Racket (1953), on ne peut guère faire pire.
Depuis que nous se réfèrent au plus grand comédien, restons sur scène et continuons avec le plus grand écrivain de théâtre : William Shakespeare. Il y a beaucoup de débats sur le marchand de Venise et d’Othello. Sa représentation des Juifs et des Noirs renforce-t-elle les dessins animés ou humanisera les gens souvent bannis des sphères artistique et littéraire de l’époque ? Et la première partie de son travail sur Henry VI ? Dans cette pièce, il attaque violemment la France, accusant le pays d’être décadent, traître et inspiré par la « sorcière » Jeanne d’Arc, à qui il donne beaucoup d’autres noms d’oiseaux de la rue. À cette époque, dans une impulsion de patriotisme à la mode en Angleterre, Shakespeare a essayé de renforcer sa position d’écrivain judiciaire. Son travail devrait-il être interdit ? Certainement pas. Parce que c’est l’illustration de la définition de Lenny Bruce : il y a tellement de merveilles dans ce travail, qu’on ne peut pas offenser ces petites déceptions.
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Nicolas Bedos n’est ni Lenny Bruce ni William Shakespeare. Mais c’est un auteur avéré. Un écrivain et réalisateur de premier plan aujourd’hui. Par sa poésie, sa férocité et son travail acharné. Un nom que vous pouvez afficher fièrement dans votre bibliothèque ou dvdtheque. Chez lui aussi, tout n’est pas pléiadisable. Par exemple, Nicolas Bedos, qui a été l’un des rares comédiens à combattre l’antisémitisme de front ces dernières années, a subi des réactions délirantes à la suite de cette blague quelque peu encombrante qu’il aurait partagée sur les réseaux en pleine fièvre alimentaire. Une blague avec un cliché très 80, d’autant plus que Deauville n’est plus la destination préférée des Juifs. Ceux qui sont encore en France, et qui ont souffert avec retenue depuis vingt ans d’un antisémitisme très violent et fréquent, luttent pour préserver les valeurs de la République et maintenir un certain espoir de revenir aux années de fraternité et de partage des années 1980. Mais le principal problème est que nous sommes tous tentés de voter quotidiennement pour les « représentants » de notre couleur, croyance, orientation… qui ont défilé dans des émissions de télévision « débat » et sur des « réseaux sociaux ». Il n’y a plus de journalistes, mais des armées d’éditorialistes qui comprennent la valeur marchande d’une niche, se déclarant défenseur de telle ou telle cause, souvent au détriment des autres. Ainsi, les spectateurs applaudissent leurs « représentants » et laissent tomber les « adversaires ». Et souvent, Nicolas Bedos, dans ses chroniques télévisées, était brillant dans ses interventions et parfois moins, attirant les applaudissements des sceaux ou des seins de type football.
Nicolas Bedos, comme Claude Brasseur, Alexandre Brasseur, Jean-Paul Belmondo, Christian Vadim, Chiara Mastroianni et bien d’autres, a réussi à se faire plus qu’un simple nom, à donner d’autres lettres de noblesse au nom de famille. Il a aussi hérité de la volonté de Guy Bedos d’exprimer sa colère. Et même pour surprendre certains, c’est même la représentation la plus intéressante de L’humour juif : celui de se réveiller en colère, de dénoncer les injustices et de déconstruire la haine. Non, vous n’avez pas besoin d’être juif pour pratiquer cet humour, car vous n’avez pas besoin d’être noir pour chanter l’âme. Le croquis de Desproges sur les Juifs, inspiré d’un croquis de Lenny Bruce sur les Noirs, procède à la même déconstruction de la haine. Interrogé par Michel Denisot sur la réaction des Juifs, il explique qu’il n’avait jamais eu de problème avec les pics envoyés dans ce croquis, mais qu’il avait des problèmes avec les antisémites. De même, l’humour de Guy et Nicolas Bedos est beaucoup plus juif que celui de la plupart des humoristes juifs. Il suffira que certains connaissent un peu mieux leur travail et non les extraits rapportés pour s’en convaincre…
Visuel : Par Georges Biard, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=66432593